PARTIE 2 : BIOMÉCANIQUE
Comme mentionné dans notre page crédits cette partie est une traduction presque complète de la section 3 du guide du développé couché de Greg Nuckols.
Nous allons maintenant nous focaliser sur les effets de la largeur de la prise de main et la trajectoire de la barre idéale lors de la poussée et comprendre l’importance du Leg Drive.
Rappelez-vous, vous avez besoin de trois mouvements au niveau des articulations pour pousser la barre : vous avez besoin de faire une flexion d’épaule (antépulsion), une adduction horizontale d’épaule, et une extension au niveau des coudes.
Voyons la biomécanique du développé couché en regardant comment les différentes techniques affectent les exigences de force au niveau de chaque articulation.
1/ L’adduction horizontale
C’est l’action la plus simple car les exigences de force à produire pour réaliser l’adduction horizontale des épaules ne changent pas au cours du mouvement.
La largeur de prise de mains détermine la force nécessaire pour effectuer l’adduction horizontale; plus la largeur de prise de mains est importante, plus le levier intervenant dans l’adduction horizontale est important. La largeur de prise de main ne changeant pas au cours du mouvement, la force nécessaire à l’adduction horizontale ne change pas au cours du mouvement.
La trajectoire de la barre en revanche n’affecte pas les exigences de force dans l’adduction horizontale. Plus la distance entre vos mains est importante, plus la force nécessaire pour réaliser l’adduction horizontale est forte. Si on résume ça simplement, plus votre prise de main est large, plus vos pectoraux seront sollicités durant le mouvement (puisque ce sont principalement eux qui permettent l’adduction horizontale de l’épaule).
2/ L’antépulsion (flexion d’épaule)
Ce paragraphe est plus intéressant.
Afin de saisir la barre au début d’un développé couché, vos épaules réalisent une antépulsion (ou élévation antérieur du bras). Puis vous réaliser une extension des épaules et, une fois la barre sur votre poitrine, vous devez à nouveau effectuer une antépulsion des épaules pour remonter la barre.
La force nécessaire pour réaliser cette antépulsion dépend de la distance entre la barre quand celle-ci est posée sur la poitrine, et vos épaules (quand vous regardez de profil).
Quand la barre est sur votre poitrine (c’est le point où la barre est le plus loin de vos épaules : celle-ci est assez bas sur les pectoraux), la force nécessaire à l’antépulsion est d’abord très importante, puis elle diminue au fur et à mesure que la barre remonte en direction de vos épaules pendant la montée. Quand vous êtes à la fin du mouvement, la force nécessaire à l’antépulsion devient négligeable.
Après avoir lu ceci, vous vous dites peut-être que le moyen le plus efficace serait de descendre la barre en suivant une ligne droite verticale, en la posant assez haut sur les pectoraux, puis de remonter. C’est vrai que cette technique diminue la force nécessaire à la flexion d’épaule, mais elle augmente aussi drastiquement l’amplitude et augmente les risques de blessures au niveau de l’épaule (conflit sous acromial).
En réalité, vous devriez utiliser cette information sur la variation des exigences de force sur la flexion d’épaule pour optimiser la trajectoire de votre barre :
Au moment où vous éjectez la barre de votre poitrine, vous devriez ramener rapidement la barre vers vos épaules tout en la remontant. Cette technique diminue la force nécessaire pour réaliser une flexion d’épaule, et diminue la tension sur les deltoïdes antérieur.
Beaucoup d’athlètes de haut niveau utilisent cette technique (remonter d’abord la barre rapidement vers la tête , puis ensuite à la verticale), alors que les débutants poussent d’abord la barre à la verticale, puis la ramènent ensuite vers la tête pour verrouiller.
Trajectoire de la barre pour les débutants (en pointillés) contre les athlètes avancés (ligne continue).
Mettre en pratique cette trajectoire de barre est assez naturel : au moment d’éjecter la barre de la poitrine, sortez les coudes en même temps que vous poussez. Attention à ne pas confondre cette technique avec le fait de sortir les coudes tout le long du mouvement et toucher le haut de la poitrine avec la barre, comme peuvent le faire les bodybuilders. Il est risqué pour vos épaules de sortir les coudes tout le long du mouvement et faire toucher la barre haut sur la poitrine mais si vous ne le faites que sur la partie concentrique du mouvement jusqu’à ce que la barre soir au dessus de la gorge, c’est peu risqué.
C’est aussi à ce moment que le Leg Drive rentre en jeu. Au moment ou vous commencez à pousser, contractez fort les fessiers et essayer de rentrer vos talons dans le sol. Cela poussera votre poitrine légèrement vers le haut et l’arrière contre la barre. La force de la poussé des jambes vous aidera ainsi à pousser la barre en arrière et en haut en direction de la tête, la dirigeant vers la bonne position pour finir le mouvement.
La largeur de votre prise de main n’affecte pas la force nécessaire à l’antépulsion des épaules dans la théorie, mais elle le fait généralement dans la pratique. En effet, plus vous prenez une prise serrée, plus vous risquez de poser votre barre assez bas sur la poitrine, augmentant ainsi la quantité de force à produire pour effectuer l’antépulsion des épaules. Tandis qu’avec une prise très large, la trajectoire de la barre est souvent plus rectiligne car vos coudes sont automatiquement plus ouverts.
3/ L’extension des coudes
Ce paragraphe va peut-être vous paraître surprenant.
Voilà d’abord ce qui est simple à retenir : plus vos coudes sont en avant de la barre, plus la force nécessaire pour réaliser l’extension des coudes augmente.
En bas : Les coudes sont trop rentrés et au devant de la barre, ce qui rend la poussée très difficile au niveau des triceps.
Maintenant la partie plus complexe : la largeur de votre prise de main sur la barre détermine si la barre imposera un moment de force fléchisseur ou un moment de force extenseur sur vos coudes (en gros : si le mouvement vous fait réaliser une flexion ou bien une extension de coude).
Avec une prise serrée, les coudes sont à l’extérieur des mains, donc la barre impose un moment fléchisseur sur les coudes. Alors qu’avec une prise large, les mains sont à l’extérieur de vos coudes, donc elle impose un moment extenseur sur les coudes. Ça n’a pas de sens on dirait ! En effet, quand vous faites du développé couché avec une prise large, la barre n’étend pas vos coudes comme par magie.
Donc, que se passe-t’il ici ?
Avec une prise large, les mains sont légèrement à l’extérieur des coudes, donc la barre impose un moment extenseur aux coudes. Avec une prise serrée, les coudes sont à l’extérieur de vos mains, donc la barre impose un moment fléchisseur aux coudes.
Pour l’expliquer, illustrons avec des haltères. Ils aideront à comprendre les forces verticales en action. Vu qu’ils ne permettent pas de leur appliquer le même degré de forces horizontales qu’à une barre, cela nous aidera à voir pourquoi le développé couché barre est difficile pour les triceps alors que la barre impose un moment extenseur sur les coudes, et cela aidera aussi à comprendre pourquoi on est généralement meilleur au développé couché avec barre qu’avec haltères (ce n’est pas juste une question de stabilité).
Pour commencer, faites le test suivant : essayez de faire du développé couché haltères mais avec vos bras qui bougeraient exactement comme lors d’un développé couché avec barre. Cela veut dire qu’au lieu de descendre les haltères vers l’extérieur pendant la descente, et les rapprocher lors de la montée, ils restent à la même distance l’un de l’autre pendant tout le mouvement. Essayez même cela en mimant un développé couché à la barre en prise large, et poussez les haltères tout droit à la verticale au lieu de les pousser avec une trajectoire convergente vers l’intérieur.
C’est super bizarre du faire du développé haltères comme cela non ?
Voilà ce que vous allez observer : en bas du mouvement, les sensations seront les mêmes (ou presque) qu’un développé couché avec barre classique. Par contre, en haut, vous ne sentirez pas du tout vos triceps contribuer au mouvement. Si vous sentez quelque chose, ça serait plutôt vos biceps qui s’efforcent tant bien que mal à garder vos bras étendus. De plus, ce sera très très difficile de rester en position haute car conserver cette position est très difficile pour vos pectoraux (à l’opposé du développé à la barre où rester en position de verrouillage est très aisé, peu importe la largeur de prise de main). On se sent bien plus fort et le mouvement semble bien plus naturel lorsqu’on laisse les haltères partir vers l’extérieur lors de la descente, mais qu’on les fait se rapprocher l’un vers l’autre lors de la remontée.
Exécuter un développé couché aux haltères de la même façon qu’à la barre, et les sensations bizarres qui en découlent, révèlent comment vos triceps contribuent pendant le développé couché barre bien que la barre elle-même impose en théorie un moment extenseur aux coudes, et cela explique pourquoi vous ne pouvez pas faire un développé couché haltères aussi lourd qu’un développé couché barre.
Voilà ce qu’il se passe :
Quand vous réalisez un développé couché haltères, la seule force importante contre laquelle vous luttez est la force de gravité qui agit sur l’haltère. La gravité emmène l’haltère directement vers le sol, et vous poussez contre cette force. À cause de ça, le poids doit rester a la verticale de votre coude tout le long du mouvement. Dans le cas contraire, le mouvement devient plus difficile pour vos triceps si les haltères sont plus proches de vous que ne le sont vos coudes (le mouvement se rapproche d’un Tate Press), et le mouvement devient plus difficile pour vos pectoraux (et vos biceps) si les haltères sont plus éloignés de vous que ne le sont vos coudes (cela devient un écarté couché). Nous réalisons tous cela, que ce soit consciemment ou inconsciemment. C’est pourquoi les haltères bougent selon une trajectoire en arc de cercle (convergente) – ils s’éloignent lors de la descente, et se rapprochent lors de la remontée. Quand vos coudes s’éloignent l’un de l’autre quand vous descendez les haltères, vous gardez naturellement vos mains au dessus de vos coudes pour que les haltères s’éloignent aussi l’un de l’autre, et inversement lors de la remontée. Monter ou descendre les haltères sur une trajectoire verticale au lieu d’un mouvement convergent en arc de cercle donne des sensations étrange car les haltères ne peuvent pas rester à la verticale de vos coudes.
Cette trajectoire de poussée est bien plus efficace que de bouger les haltères en ligne droite verticale.
Vous devez garder vos coudes directement sous les haltères quand vous faites un développé couché haltères car il n’est pas possible d’imposer une grosse force latérale sur les haltères : le faire aurait pour conséquence de lancer les haltères par terre de chaque côté. Lors d’un développé couché haltères, vous n’avez pas d’autre choix que d’appliquer une force strictement verticale à travers les haltères : à cause de cela, vous ne pouvez pas utiliser énormément vos triceps. Si vous coudes pointent vers l’extérieur, quand vos triceps se contractent, ils imposent surtout une force latérale sur le poids.
La contraction des triceps pousse l’avant bras latéralement. Elle ne pousse pas directement la barre vers le haut.
Les études EMG qui comparent l’activation musculaire entre le développé couché barre et haltères le démontrent clairement. L’activation des pectoraux est la même dans les deux cas, alors que l’activation musculaire des triceps est bien inférieur lors d’un développé couché avec haltères.
À ce stade de la lecture, vous devez vous dire : « ok mon gars, les forces latérales ça me passionne mais moi je veux pousser la barre vers le haut, alors pourquoi je serais concerné ? »
Tout est une histoire de physique.
L’importance des forces latérales au développé couché
Rappellez-vous, la gravité tire toujours la charge vers le bas. Mais quand tu ajoutes des forces latérales dans cette situation, le vecteur de force qui en résulte (soit le produit de deux forces pointants vers des directions différentes) ne pointera pas vers le bas de façon verticale. Cela ressemblera à quelque chose comme ça :
Voilà pourquoi les forces latérales sont importantes au développé couché : rappelez-vous, on parle de “levier” pour décrire la distance perpendiculaire entre l’articulation en jeu et le vecteur de force qui y est appliqué. En prenant en compte les forces latérales, on se rend compte que le vecteur de force qui en résulte passe beaucoup plus près de l’épaule que le vecteur de force agissant seulement du fait de la gravité et qui tire directement la barre vers le bas à la verticale. Cela signifie que le levier agissant sur l’adduction horizontale est en réalité plus court, rendant le mouvement plus facile pour vos pectoraux.
Sur la gauche, vous pouvez voir le levier intervenant lors de l’adduction horizontale de l’épaule (trait continu noir) quand on prend en considération uniquement les forces verticales. Sur la droite, vous pouvez voir à quel point est plus court le levier d’adduction horizontale quand on prend en compte les forces verticales ET les forces latérales agissant sur la barre.
Voilà une autre façon de voir les choses : à moins que quelque chose se passe horriblement mal, vos mains ne bougeront pas sur la barre pendant que vous faites un développé couché. C’est parce qu’elles restent fixes que les pectoraux et les triceps peuvent travailler en synergie au niveau des épaules et des coudes : les pectoraux aident les triceps à étendre les coudes, et les triceps aident les pectoraux à réaliser l’adduction horizontale des épaules. Vu que l’avant bras lui-même ne peut pas bouger car les mains sont fixes, l’épaule doit réaliser l’adduction horizontale pendant que les triceps étendent les coudes. L’opposé est vrai aussi avec les pectoraux : vu que les mains sont fixes sur la barre, pendant que les pectoraux réalisent l’adduction horizontale de l’épaule, les coudes doivent s’étendre aussi.
Au final, dans un sens, il est difficile de parler des pectoraux et des triceps de façon indépendante. Des pectoraux plus forts rendent plus facile l’extension des coudes, et des triceps plus forts rendent plus facile l’adduction horizontale des épaules.
Parlons maintenant des effets de la largeur de prise de main. La force à produire pour réaliser l’extension des coudes est plus importante avec une prise serrée ; si vous faites du développé couché avec une prise largeur d’épaules, vos coudes seront à l’extérieur de vos mains pendant la majeure partie du mouvement, ce qui veut dire qu’un moment externe de flexion agit sur vos coudes pendant la majeure partie du mouvement. Inversement, avec une prise très large, vos coudes ne seront jamais à l’extérieur de vos mains, donc un moment externe d’extension agira sur vos coudes pendant le mouvement.
En d’autres mots, le développé couché prise serrée est plus difficile sur les triceps que le développé en prise large – pas de surprise !
À quel point vous rapprochez vos coudes de votre corps pendant le mouvement impactera aussi la force que vous devrez produire pour réaliser l’extension des coudes. Tant que vos coudes restent sous la barre, faire en sorte de les rapprocher de vous diminuera la force nécessaire pour les étendre.
Les coudes sont plus rapprochés mais toujours sous la barre (en bas) : moins exigeant pour les triceps.
En revanche si vous rentrez les coudes de manière trop prononcée, et qu’ils se retrouvent non plus sous la barre mais en avant de celle-ci (en regardant de profil), cela augmentera la force nécessaire à l’extension de coude. Mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose : bien que rentrer les coudes de façon prononcée rend le mouvement plus difficile pour les triceps, cette technique peut aussi aider à faire remonter la barre vers l’arrière au moment de la faire décoller, permettant alors vos triceps d’aider vos épaules. Cela peut aider les gens qui ont du mal a ressentir le leg drive. Une fois que la barre commence à se soulever de la poitrine, vous devrez quand même réouvrir vos coudes pour les positionner sous la barre avant la moitié du mouvement.
Le haut est acceptable : les coudes sont légèrement au devant de la barre en bas du mouvement, puis reviennent rapidement sous la barre. Le bas est incorrect : les coudes commencent devant la barre, puis restent dans cette position.
Comme pour les exigences de force nécessaire à l’antépulsion de l’épaule, les exigences de force nécessaire à l’extension de coude changent au fur et à mesure du mouvement.
En règle générale, les coudes s’écartent latéralement vers l’extérieur pendant que les bras tendent à devenir parallèles au sol (lors de la descente de la barre comme lors de la remontée) puis les coudes se rapprochent vers l’intérieur pendant que les bras s’éloignent de la parallèle par rapport au sol. À cause de cela, la force nécessaire à l’extension de coude est à son maximum quand vos bras sont à peu près parallèles au sol. C’est probablement la raison pour laquelle le point critique de la plupart des gens arrive quand les bras sont à peu près parallèles au sol.
Voici la trajectoire que les coudes suivent pendant le développé couché. Les triceps doivent développer la plus grande quantité de force quand les coudes sont les plus écartés, et que les bras sont parallèles au sol (seconde image).